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10 000 ans de fonte des glaciers andins expliqués

Des chercheurs de l’IRD et leurs partenaires(1) viennent d’expliquer 10 000 ans de fonte glaciaire dans les Andes grâce à une étude publiée dans la revue Nature. Ils ont montré que le glacier bolivien baptisé Telata s’est retiré de 3km sur cette période appelée Holocène. Un recul avant tout lié à une hausse des températures atmosphériques de 3°C du fait du réchauffement de l’océan Pacifique tropical, lui-même dû à une augmentation de l’insolation(2) sous les tropiques.

Les scientifiques ont pu retracer pour la première fois ces dix millénaires d’évolution des glaces grâce à une méthode de datation récente. Celle-ci consiste à mesurer dans des dépôts rocheux laissés par le passage du glacier – les « moraines » – la concentration d’éléments chimiques qui s’accumulent dans la roche après le départ de la glace. Puis, grâce à des modèles du climat passé, les glaciologues ont déterminé les causes précises des variations de volume du Telata.
Cette étude indique également un fort recul des glaciers tropicaux depuis le début de l’ère industrielle. Elle souligne aussi combien ces masses de glace – perchées à 5000 m d’altitude, là où le réchauffement sera vraisemblablement le plus élevé – sont vulnérables.

Si la fonte des glaciers a largement été démontrée dans le monde, le cas particulier des glaciers tropicaux n’est pas encore bien connu. Ces derniers sont principalement situés dans les hauteurs andines, souvent perchés à plus de 5000 m d’altitude. Du fait de leur localisation sous les Tropiques et de leur élévation, ils sont très sensibles au réchauffement climatique. De nombreuses observations prouvent qu’ils reculent considérablement depuis plusieurs décennies*. Mais pour identifier les causes précises de cette régression, il est important de retracer l’histoire de ces masses de glace sur une période de temps beaucoup plus longue.

La fonte s’accélère depuis 200 ans

Dans ce contexte, des chercheurs de l’IRD et leurs partenaires(1) ont reconstitué pour la première fois l’histoire d’un glacier sur les 10 000 dernières années, une période géologique appelée l’Holocène. Ils viennent de publier dans la revue Nature cette étude, menée sur un glacier bolivien du nom de Telata, situé à une trentaine de kilomètres au nord de la capitale, La Paz. Ils montrent qu’en 10 000 ans la surface du glacier a diminué de plus de 90% et que son front a reculé de 3 km. Cette régression, d’abord très lente, s’est fortement accélérée depuis le début du 19e siècle : de 1820 à aujourd’hui, le Telata s’est retiré de 2 km.

Des témoins des positions passées

Sur ce site de haute altitude, les scientifiques se sont intéressés aux dépôts constitués de roches déposées par le glacier. Ces dépôts, appelés « moraines », constituent de précieux témoins des positions antérieures du front glaciaire. Leur nombre important et la qualité de leur conservation font du Telata un site exceptionnel et unique sous les Tropiques. Ce dernier offre en effet un enregistrement quasi continu des stades glaciaires successifs. Pour retracer les phases de recul et d’avancée du front, l’équipe de recherche a établi l’âge de ces dépôts et leur chronologie grâce à une méthode de datation récente. Cette technique repose sur la mesure de la concentration d’éléments – dans ce cas précis le berylium-10 – dans les roches constituant les moraines. Lorsque la roche n’est plus recouverte par le glacier, le rayonnement cosmique (3) qui frappe sa surface entraîne une réaction nucléaire qui déclenche la formation dans certains minéraux – ici  le quartz – de ces éléments. La mesure de leur concentration par une technologie appelée spectrométrie de masse par accélérateur(4) a permis de déterminer la durée d’exposition de la roche depuis le retrait de la glace.

L’océan se réchauffe, les glaciers fondent

Les chercheurs ont ensuite déterminé les causes de la fonte des glaces du Telata. Pour différentes positions passées du glacier, ils ont relié le volume des glaces aux températures et précipitations qui prévalaient à chaque époque. Leurs calculs ont montré que le recul est avant tout lié à un réchauffement atmosphérique d’environ 3°C sur l’ensemble de la période Holocène. Celui-ci serait dû à une élévation tout au long de ces dix millénaires de la température de surface de l’océan Pacifique tropical, du fait de l’augmentation progressive de la quantité de rayonnement solaire reçue à la surface terrestre – communément appelé « insolation ». En revanche, si les températures se sont considérablement élevées, les simulations numériques avec des modèles de climat montrent que les précipitations n’auraient pas varié de façon suffisamment importante depuis 10 000 ans pour influencer l’évolution du glacier.

Les glaces du Telata ont donc évolué au cours des temps géologiques en étroite corrélation avec le Pacifique tropical. Si les glaciologues savaient déjà que la fonte actuelle des glaciers andins était en lien avec cet océan, ils n’avaient pas jusque là  obtenu d’information sur l’existence de cette relation dans le passé.

Cette étude, retraçant l’histoire des glaciers tropicaux, souligne combien ceux-ci seront extrêmement vulnérables au cours des prochaines décennies. Les projections climatiques futures dans les Andes prévoient une élévation de température de l’ordre de 4 à 5°C à l’horizon 2100 – la plus élevée au monde. Un réchauffement plus important que celui observé pour toute la période Holocène, qui a conduit à un fort recul du Telata.

* voir fiche n°127 – Petits glaciers des Andes tropicales : une disparition annoncée (http://www.ird.fr/la-mediatheque/fiches-d-actualite-scientifique/127-petits-glaciers-des-andes-tropicales-une-disparition-annoncee)  et n°96 – L’humidité fait fondre les glaciers tropicaux (http://www.ird.fr/la-mediatheque/fiches-d-actualite-scientifique/96-l-humidite-fait-fondre-les-glaciers-tropicaux)

Notes :

(1) Ces travaux ont été réalisés en partenariat avec des chercheurs du CNRS et de l’UJF et un chercheur américain de l’Université d’Albanie.

(2) Quantité de rayonnement solaire reçu.

(3) Le rayonnement cosmique est le flux (Le mot flux (du latin fluxus, écoulement) désigne en général un ensemble d’éléments (informations / données, énergie, matière, …) évoluant dans un sens commun. Plus précisément le…) de particules qui se déplacent à une vitesse proche de celle de la lumière dans tout l’Univers.

(4) L’instrument national utilisé lors de cette étude est le spectromètre de masse ASTER situé au Cerege à Aix en Provence.

http://www.ird.fr/la-mediatheque/fiches-d-actualite-scientifique/377-10-000-ans-de-fonte-des-glaciers-andins-expliques

  • Informação bibliográfica completaJomelli Vincent, Khodri Myriam, Favier V., Brunstein D., Ledru Marie-Pierre, Wagnon Patrick, Blard P-H, Sicart Jean-Emmanuel, Braucher R., Grancher D., Bourles D. L., Braconnot P. Vuille M. Irregular tropical glacier retreat over the Holocene epoch driven by progressive warming, Nature, 09 June 2011, 474, 196–199. doi:10.1038/nature10150 (http://www.nature.com/nature/journal/v474/n7350/full/nature10150.html)

EcoDebate, 24/06/2011

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